Fours de Rouen :

Le dessous de four, où un homme peut passer debout, est formé de 6 arcades en ogive espacées d'un pied, supportant la sole qui arrive au niveau du terrain. Les côtés des arcades sont bouchés jusqu'à la chemise, faite de briques et tuiles alternées, tout en ménageant des "carneaux" réguliers, qui permettent au feu de communiquer entre le dessous et le four. C'est entre ces carneaux que se montent les "files de cazettes" dans le four, sans gêner le passage des flammes.
Sous ces fours se cuisent les matières premières, "masticot" (sables et sels) ou "blanc" (masticot et calcine mêlés) au centre dans une grande cuvette de sable humide, matières et couleurs stratifiées sur les côtés, pierres à chaux sur le devant (pour rentabiliser la dépense d'énergie).
La chemise du four supérieur, elle aussi faite de rangs de briques et de tuiles alternés, monte droit jusqu'à 2 m environ, puis la voûte de tuiles "à couteau" se ferme en dos d'âne, en laissant des carneaux pour l'échappement des flammes. Des contreforts de pierre l'étayent de chaque côté, le fond s'appuyant sur un épais mur. Deux "montres" sont ménagées sur un côté, entre les contreforts, l'une à l'avant, l'autre à l'arrière, pour tirer des pièces témoins lors de la cuisson.
Le gril est la fosse avancée, aussi profond, voire un peu plus, que le dessous du four. C'est par là qu'on y accède. On y brûle, en début de cuisson, du fagot et du petit bois pendant plusieurs heures, y faisant monter le niveau de la braise et la température. Puis on pose du bois de fente en travers : la flamme qui lèche le bois est aspirée à l'intérieur et traverse le four, pour ressortir par la voûte, par les carneaux autour desquels on monte parfois des "cornes", profitant de la chaleur qui en sort pour cuire des couleurs fragiles. Quand le devant du four est cuit, on ôte la "gueuse" sur le devant du gril et on "serre" le feu pour l'envoyer au fond. La cuisson totale dure autour de 72 h, suivant la taille du four, la météo, le bois sec ou vert, etc...

L'enfournement :

Toutes les pièces émaillées s'enferment dans des cazettes pour protéger l'émail en fusion des poussières et escarbilles provoquées par le feu. Les pièces creuses se placent dans une "cazette à rondeau", cylindre à talon interne, de la hauteur voulue, d'environ 50 cm de diamètre, au fond duquel est posé le rondeau (sur le talon). On y place les pièces sans qu'elles se touchent et l'on empile ces cazettes, en les assujettissant grâce à de la barbotine (argile molle) pour garantir l'étanchéité, formant ainsi une "file" casée entre 4 carneaux, sur la sole. On y met en général le blanc dur, car c'est le lieu le plus chaud : bidets, pots de chambre, pots à eau, vases..., jusqu'à la ceinture environ. Au-dessus, on peut mettre des pièces en couleurs plus tendres, le bleu fin, le cul noir, et sur le pourtour des pièces polychromes. A la naissance de la voûte, on forme un plancher de larges tuiles, toujours en laissant le passage de la flamme, et on y enfourne les pièces en cru le plus haut possible, soit à chant, en quinconce, pour les plats, soit à bouchon, comme pour les pots de chambre, soit en piles, comme pour les assiettes, avec des cales de séparation.

La platerie émaillée s'enferme dans des "cazettes à empernetage", à peine plus grandes que les pièces, mais plus hautes : des rangées de trous triangulaires accueillent des clous de terre à 3 pans, les "pernettes", qui supportent les objets par 3 points de contact. On range 5 à 7 assiettes, plats, couvercles, soucoupes, dans ces cazettes, selon leur taille. Si cette platerie est polychrome, elle doit être placée au centre du four, sur un plancher réalisé à hauteur de la ceinture, et monter jusqu'aux yeux, car c'est là le juste degré pour la cuire. Elle ne peut donc occuper qu'1 m3 environ sur 20 ou 25 utiles dans un tel four. Les faïenceries de Rouen n'en produisent pas toutes : au zénith de leur réputation, sur 13 fabriques, 4 ne produisaient que du brun et n'employaient pas de peintre, et sur les 9 autres, plusieurs n'employaient qu'1 ou 2 peintres, quand d'autres en faisaient travailler une douzaine.

Les ouvertures du four se ferment par un mur de brique étanche avant la cuisson, en terminant par celle du haut, qui permet de finir le chargement. Souvent, un plancher, à 3 mètres de distance, lui fait face et permet de jeter un pont entre les deux pour faciliter l'enfournement. Autour de ce plancher, fermant la "halle à fours", les murs supportent de nombreux rayons et planches volantes où sèche déjà le "cru" qui fera partie de la prochaine fournée et se transformera alors en biscuit. Peu à peu, les faïenciers de Rouen profiteront encore de la chaleur du four en construisant sur ce plancher des "fosses plâtrées", où ils appliqueront les ballons de terre humide, tout droit sortis des fosses à terre, pour en faire aspirer l'eau par le plâtre, un jour d'un côté, le lendemain de l'autre, avant de les envoyer mûrir à la cave pendant plusieurs mois.

Paul CAUSSY, quoique venu du Languedoc puis ayant oeuvré à Aix-en-Provence, Dijon, Phalsbourg, Haguenau, Metz, a construit deux fours de cette sorte à Rouen. Seul son fils Pierre Paul, ayant déjà créé ses fours à Genève et à la Nouvelle-Orléans, et voyagé en Flandres, en Provence et en Languedoc, construit à Rouen ce que l'on nomme des "fours du Languedoc", d'une conception différente : ils ne sont pas à gril, mais à gorge. Il y trouve un large bénéfice.

Fours du Languedoc :

La gorge est une avancée dont la longueur égale celle du four, sur laquelle on peut marcher pour le chargement et sous laquelle on fait le feu, surtout de fagots et de menus bois, ce qui coûte moins cher. Du fait de la flamme plus éloignée, on peut placer sous le four, en sus des matières premières, une quantité non négligeable de faïences à cuire et de biscuits. La chaleur, mieux répartie et plus douce dans ces fours, permet d'y placer à même la sole des cazettes de pièces polychromes, cuisant ainsi toute la fournée en pièces de valeur si on le désire, ce qui arrive parfois à Caussy, qui manque ainsi de biscuit.
Il acquiert en 1746 les droits d'un petit four de potier et le reconstruit chez lui sur ce nouveau modèle, multipliant ainsi ses capacités, uniquement pour le biscuit.
A cette date, Caussy possède donc un four de Rouen, à gril, hérité de son père, où il cuit comme les autres faïenciers, un grand four du Languedoc, à gorge, qui lui permet de cuire 30 m3 à chaque fois de faïence polychrome, et un troisième, petit mais à gorge, où il cuit son biscuit. Sa fabrique, à elle seule, peut cuire 2 à 3 fois plus de faïences polychromes que toutes les autres de Rouen réunies. En observant la variété de ses décors, on se persuade qu'il a bien utilisé cette capacité.

Caussy à Quimper :

Lorsque le petit-fils Caussy, Pierre Clément, arrive chez Bousquet à Locmaria en 1747, il trouve 3 fours à gril, 2 grands et 1 moyen. En 1758, il en fait constater la vétusté et les remplace tous, en 1759 et 1760, par des fours à gorge, comme ceux de son père, à la différence qu'il leur ajoute un étage, ce qui lui permet de cuire 45 m3 dans chacun des grands, 30 m3 dans le troisième, ce qui en fait alors l'une des plus grandes manufactures de France. Par la suite, 4 autres fours, certains à grès et briques, viendront s'y ajouter, soit en fours couchés, soit en four rond.