fiche 1 :
cul-noir très vrillé, dédicacé et daté :
Charles Yvon, le 2 janvier 1748.
Il est très rare que l'on dédicace un cul-noir,
dont les premières productions semblent sortir en 1707-1708 de l'atelier
de Paul Caussy qui, selon André Pottier (Histoire de la faïence
de Rouen), en serait "l'inventeur" vers 1707.
Le
site d'Old Mobile, dans le Sud Alabama, où les Français débarquaient
les marchandises pour les colons, site abandonné en 1710 pour cause d'inondations
et de reconstruction de Mobile un peu plus loin, recèle déjà
des tessons de cette faïence venue de France, probablement de Rouen.
L'intérêt de ces plats, créés en
pleine crise financière, était de réunir deux qualités
en un seul objet : supporter le chaud grâce à une terre dite "réfractaire",
sans que le vernis plombeux touche la nourriture, et être présentable
pour le service grâce à l'émail blanc sommairement décoré.
Le gain de place dans les bateaux était également rentable.
Les taux de dilatation étant différents pour
les émaux brun et blanc, le mélange des terres grasses et de pré
(marne) restait le point crucial de cette invention et Caussy dit, dans son
manuscrit, qu'il le maîtrise encore mal (1742 - 1747).
Lorsque, à Rouen, les vocations des fours sont fixées par édit
royal, seuls Caussy et Fouquay fabriquent à la fois de la faïence
brune et de la faïence blanche, condition nécessaire pour fabriquer
le cul-noir, qui nécessite les deux émaux et des peintres. Mais
il semble que seul Caussy en produise. Les mentions de ce "demi-brun"
sont rares dans les inventaires tant des particuliers que des fabricants, et
sont absentes de l'inventaire au décès de Fouquay en 1742.
De même à celui de Pierre Bousquet à Locmaria en octobre
1749, où Pierre Clément Caussy, son second, est arrivé
à la mi-1747. En revanche, lorsque ce dernier dresse l'inventaire de
sa fabrique en 1760, le "demi-brun" constitue plus de 7 % de ses stocks.
Le nom du dédicataire de cette pièce évoque
bien la Bretagne : que ce plat soit complètement vrillé indique
que le fabricant n'a pas trouvé la bonne composition des terres. Mais
le fait même de la dédicace ne supposerait-il pas une première
?
A Rouen, où la famille fabrique cela depuis 40
ans, il ne viendrait pas à l'idée de se faire une fierté
de ce produit d'usage vulgaire, ni de le montrer. A Locmaria ou Quimper, en
revanche, si le produit est nouveau, la dédicace aurait sa place.
L'essai peu convaincant n'aura pas décidé Bousquet
à se lancer dans cette production et Caussy aura attendu d'être
à son compte, ou d'avoir trouvé la bonne composition de la terre
grasse qu'il faisait venir de Rouen (Port-Saint-Ouen) avec la marne locale,
pour la fabriquer en grand.
D'autres pièces de Locmaria, contemporaines, arborent la "dent de
loup" qui sert ici de bordure, alors que nous n'en connaissons pas chez
Caussy à Rouen. En conclusion, ces diverses considérations nous
amènent à penser qu'il s'agirait là de l'un des tout premiers
culs-noirs de Locmaria, conservé grâce à sa dédicace
malgré son impossibilité de s'en servir, à cause de sa
déformation.